17 juin 2011

Quand Dilma écrit à FHC...

J'ai souvent eu l'occasion sur ce blog, mais aussi sur l'espace que m'avait accordé Rue89 lors de la présidentielle brésilienne l'an dernier, de vous faire part de l'admiration et du respect que j'avais pour le travail colossal qu'a mené l'ancien président Lula da Silva durant 8 ans, pour réduire les inégalités -encore indécentes- qui gangrènent le Brésil, tout en accélérant le développement économique -et l'attractivité internationale- du pays (à ce sujet, et pour les heureux résidents au Brésil, je ne peux que vous encourager d'aller voir le formidable documentaire "Familia Braz - Dois Tempos" qui illustre, à travers les témoignages d'une famille de la classe moyenne de la banlieue de São Paulo, les considérables changements intervenus dans la société brésilienne entre les années 2000 et 2010). Mais je ne vous ai finalement jamais parlé du prédécesseur de Lula, le sociologue et économiste Fernando Henrique Cardoso, "FHC" pour les intimes -et aussi pour tous les autres.

FHC et ses bouquins...
 

A l'instar de Lula, FHC a gouverné le Brésil pendant deux mandats consécutifs, de 1994 à 2002, sous la bannière du PSDB, le parti de centre-droit qu'il avait lui-même fondé en 1988. Il fut également un excellent ministre des affaires étrangères, puis de l'économie, sous le gouvernement d'Itamar Franco, entre 1992 et 1994. Auréolé du succès du Plan Real (1993), qui vit l'ancien cruzeiro -déprécié par des années d'hyperinflation-  remplacé par la monnaie actuelle du Brésil, il bénéficia ainsi d'une rampe de lancement idéale pour être élu président, et ce dès le premier tour de l'élection présidentielle de 1994.

Je pourrais vous parler plus longuement de la carrière et du bilan de ce vrai homme d'Etat, démocrate dans l'âme, cultivé et sensible, mais il s'avère que la présidente en titre, Dilma Rousseff, a eu le bon goût de lui adresser une carte élogieuse à l'occasion de la célébration de son 80ème anniversaire, qu'il atteindra ce samedi 18 juin. Je vous en livre ci-dessous les meilleurs extraits...avant de vous reparler un peu du contexte...

"Cher Fernando Henrique, il y a tant de traits de votre caractère à rendre hommage en ces jours où vous fêtez vos 80 ans. L'académicien innovant, le politique habile, le ministre-architecte d'un plan durable de sortie de l'hyperinflation, et le président qui a contribué de manière décisive à la consolidation de la stabilité économique du Brésil. Mais je veux également mettre en avant le démocrate que vous êtes, qui a lutté pour ses idéaux, toujours d'actualité aujourd'hui...Vous avez toujours cru dans la force du dialogue comme moteur de votre politique, et ce fut essentiel pour la consolidation de la démocratie brésilienne durant les huit années de votre mandat. Ainsi, vous avez été le premier président depuis Juscelino Kubitschek -en 1961- à laisser la place à un successeur de l'opposition qui soit également élu...Je ne cache pas que ces dernières années nous n'avons pas toujours partagé les mêmes opinions, mais, justement à cause de cela, mon admiration pour votre ouverture dans la confrontation franche et respectueuse des idées s'en est trouvée renforcée. Cher Président, toutes mes félicitations et une accolade -abraço en portugais- affectueuse !". Dilma Rousseff

Le site 80anosFHC.com.br et la lettre de Dilma

Ces compliments, plutôt rares sur la scène politique brésilienne, sont d'autant plus notables qu'ils s'adressent à un homme, qui, s'il a certes sa carrière politique derrière lui, a été un talentueux opposant à Lula -le prédécesseur de Dilma à la présidence du pays et principal instigateur du sacre de la nouvelle chef de l'Etat. Un opposant d'un tel talent que FHC aura vaincu par deux fois, et de manière assez nette, le fondateur du Parti des Travailleurs à l'élection présidentielle (en 1994 et 1998, donc), avant que finalement ce dernier ne l'emporte, en 2002...mais sans affronter son carrasco (l'équivalent de notre "bête noire"), qui ne put se représenter pour des raisons constitutionnelles (les mêmes qui ont empêché Lula de prétendre à un troisième mandat). Au-delà, et comme l'a souligné avec délices l'opposition tucana (le toucan est l'emblème du PSDB, le parti fondé par FHC), ce geste peut être interprété comme une "tentative (de Dilma) de prendre de la distance avec son mentor (Lula)" dans une conjoncture politique compliquée (avec la récente démission de son ministre de la Maison Civile, Antonio Palocci) qui refait surgir le spectre d'un interventionnisme "lulien" dans les affaires du pays...

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